Le fusil de Tchekhov est certainement de l’un des effets dramaturgiques les plus connus ; il est employé dans de nombreux films, séries et romans depuis son apparition. On attribue ce principe au dramaturge Anton Tchekhov, qui lui donna son nom, même si on connaît également ce principe sous les noms de « Paiement » « Set up/Set off » ou « Loi de conservation des détails ». Selon Tchekhov, ce principe consiste à :
« Supprimez tout ce qui n’est pas pertinent dans l’histoire. Si dans le premier acte vous dites qu’il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu’un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S’il n’est pas destiné à être utilisé, il n’a rien à faire là. »
Nature du fusil de Tchekhov
Le fusil de Tchekhov est employé aussi bien au cinéma que dans les romans ou tout autre œuvre de fiction, comme les jeux-vidéo et les mangas. Même si on le nomme fusil de Tchekhov, son utilisation ne se limite pas à cette arme. De manière plus étendue, ce principe s’utilise en narration par le fait de citer un objet ou un personnage de manière directe, ou en l’intégrant de manière anodine dans un paragraphe ou une scène de plus grande envergure. Par la suite, cet élément se révèlera très important dans le récit et jouera un rôle dominant dans l’histoire, et ce sans que le lecteur ou le spectateur ne s’en soit nécessairement rendu compte de prime abord.
Le fusil de Tchekhov s’apparente donc au forshadowing, un autre principe permettant de distiller des éléments scénaristiques d’apparence anodine mais qui joueront un rôle crucial dans le développement de la suite du récit.
Certains considèrent que le fusil de Tchekhov est une sorte de spoiler (élément révélant un évènement ou la fin d’un récit). Bien qu’apparenté, celui-ci diffère du simple spoiler car il ne révèle pas directement l’élément au lecteur/spectateur. En ce sens, le fusil de Tchekhov fonctionne plus comme une récompense pour le lecteur/spectateur attentif.
Prendre le lecteur/spectateur à contrepied
L’emploi de ce principe est tant passé dans les mœurs des lecteurs/spectateurs que plusieurs auteurs l’emploient volontairement pour détourner leur attention, inversant la règle du : « n’ajoutez pas d’élément inutile à votre récit ». Ce faisant, ils introduisent volontairement des éléments orientant le lecteur/spectateur vers une fausse piste, occultant par là même les autres éléments du récit pouvant amener à la bonne conclusion.
De nombreux auteurs de romans comme Stephen King, conseillent même de carrément supprimer ces éléments du récit afin de ne pas divulguer les éléments d’intrigue au lecteur, ce qui lui gâcherait son plaisir.
Certains films, romans et jeux-vidéo emploient également le fusil de Tchekhov de manière quelque peu inhabituelle en faisant revenir un fusil de Tchekhov déjà employé par le passé. Le lecteur/spectateur ayant alors oublié cet élément, car déjà employé précédemment, ne pourra être que surpris par cette nouvelle utilisation.
Quelques exemples de fusil de Tchekov
- Le Cinquième Élément de Luc Besson : Zorg présente une nouvelle arme au Mangalores, le ZF-1. Bien que cette arme ne soit plus mentionnée par la suite, le spectateur se doute que celle-ci va jouer un rôle important dans la suite du récit, aussi n’est-il pas surpris de la voir réapparaître à Fhloston Paradise. Dans le même film, on pourra également citer la boîte d’allumettes de Korben Dallas, qui est présentée au début du film et dont il n’en restera plus qu’une à la fin de la scène. De ce « détail » dépendra cependant la survie de la planète entière à la fin du film.
- James Bond (tous les films de la licence) : En réalité, tous les gadgets présentés en début de film vont servir à un moment donné du récit. L’espion ne sort jamais sans un gadget qu’il n’utilisera pas dans le film.
- Kubo et l’Armure magique : La cloche qui se trouve dans le village s’avèrera être le Heaume Invulnérable. Dans le même film, le bracelet fait d’une mèche de cheveux de la mère du héros et celui fait de la corde de l’arc de Scarabée serviront à la fin du film pour vaincre le grand méchant.
- Harry Potter à l’école des Sorciers de J.K. Rowling: On apprend très tôt dans le roman que les cœurs des baguettes de Harry et Voldemort proviennent du même phénix et qu’elles sont donc liées. Dans la même saga, deux autres fusil de Tchekhov qui peuvent être cités sont l’Armoire à Disparaître et l’épée de Godric Gryffondor, qui passent pour anodins de prime abord mais qui joueront un rôle crucial par la suite.
Quelques exemples de faux fusil de Tchekhov
- Star Wars : Episode 2 – L’attaque des clones : Le monologue d’Anakin sur le sable: « Je n’aime pas le sable, il est grossier, agressif, irritant et s’insinue partout… » aurait pu être un fusil de Tchekhov, mais ne sert en réalité à rien dans le récit.
- Inglourious Basterds : La cicatrice de Raine : Durant tout le film, Raine arbore une impressionnante cicatrice qui lui vient d’une pendaison ratée. Le spectateur pense alors qu’il va finir par retrouver les responsables de sa pendaison et qu’il va se venger alors que cet élément n’est jamais employé dans le film.
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L’écriture d’un scénario - Geek-It · 26 mai 2021 à 15 h 48 min
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