Dérivée de l’expression anglaise « willing suspension of disbelief », l’expression suspension consentie de l’incrédulité désigne une opération mentale faite par chaque lecteur/spectateur devant une œuvre de fiction, qui consiste à mettre de côté son scepticisme et à accepter tacitement les règles qui définissent un univers. Ce concept a été défini pour la première fois en 1817 dans un texte de Samuel Coleridge.

Nature et buts du concept

La suspension de l’incrédulité consiste en une opération mentale du lecteur/spectateur qui lui permet de vivre une oeuvre fiction comme s’il s’agissait de la réalité, alors qu’il sait pertinemment que ce qu’il est en train de lire/voir est un mensonge.

Dans le monde de Harry Potter, le lecteur/spectateur accepte tacitement l'existence de la magie

Celui-ci accepte tacitement un certain nombre de règles qui définissent un univers et qui caractérisent les personnages qui y évoluent comme étant un standard plausible. Cette opération mentale vise à lui permettre de mieux ressentir ce que pourrait être la situation évoquée sans être gêné par les « incohérences » par rapports aux standards de notre monde. Cela lui permet également de s’investir dans le récit et de s’attacher émotionnellement à l’histoire et aux personnage. L’œuvre n’est dès lors plus seulement un succession de pages, de mots ou d’images, mais prend vie dans l’esprit de celui qui la découvre.

Origines du concept et variations

Les origines du concept de suspension consentie de l’incrédulité nous viendraient du domaine de la poésie, et plus précisément de l’écrivain, critique et poète Samuel Taylor Coleridge. En 1817, dans son ouvrage sur la création et la lecture de la poésie nommé Biographia Literaria, il définissait ce concept de cette manière : « […] l’accord fut que je porterai mes efforts en direction des personnes et caractères surnaturels ou du moins romantiques ; le but étant de puiser au fond de notre nature intime une humanité aussi bien qu’une vraisemblance que nous transférerions à ces créatures de l’imagination, de qualité suffisante pour frapper de suspension, ponctuellement et délibérément, l’incrédulité, ce qui est le propre de la foi poétique »

On connaît également ce concept sous d’autres noms comme « suspension volontaire de l’incrédulité » ou « suspension d’incrédulité » voir « trêve de l’incrédulité », ou « suspension délibérée de l’incrédulité ». Ces autres appellations sont principalement employées en narratologie même si on les retrouve également leur utilisation dans le langage courant.

Pas tous égaux devant cette suspension

La suspension consentie d’incrédulité n’est pas la même pour tous les spectateurs/lecteurs et dépend grandement de la capacité d’abstraction et de relativité de ce dernier. En ce sens, elle fonctionne un peu comme un sens qu’il est possible d’entraîner mais qui, pour certains, sera plus ou moins développé que la moyenne.

Le respect des règles de l'univers s'applique autant aux jeux de rôle, aux films, qu'aux romans

Certaines personnes en sont tout simplement incapable, l’œuvre de fiction étant alors pour eux une suite d’incohérences dans laquelle il leur est impossible de se projeter. De la même manière, ces personnes ne parviennent pas à imager le cadre et les règles définissant un monde imaginaire.

À l’inverse, d’autres personnes dont les capacités à imager et à conceptualiser les univers proposés sont supérieures à la moyenne, plongent dans ces mondes de fiction avec une telle intensité qu’ils ont l’impression de vivre l’histoire physiquement et émotionnellement.

L’importance de la suspension consentie de l'incrédulité dans un récit

Les monde imaginaires sont conçus pour être cohérents pour le lecteur

La nature même de la suspension consentie de l’incrédulité consiste pour l’auteur d’une fiction à donner une crédibilité suffisante à son univers et une vraisemblance dans son récit qui permettent au lecteur/spectateur de suspendre momentanément son jugement de l’impossibilité de certains éléments et évènements.

Dans le cadre de la rédaction d’œuvres de fiction telles que des fictions d’action, de comédie, de fantasy, de fantastique ou d’horreur, la suspension consentie de l’incrédulité possède une grande importance car le lecteur/spectateur sera soumis à des évènements et des arcs narratifs non-réalistes ou des personnages non-crédibles comparativement aux règles qui régissent notre monde. Il convient dès lors pour l’auteur de clairement définir le cadre de son univers et de son fonctionnement afin que le lecteur/spectateur accepte les évènements qui s’y déroulent comme étant « cohérents » par rapport à ce cadre et ces règles.

Les risques de ne pas respecter la suspension consentie de l'incrédulité

Bien que tous les lecteurs/spectateurs ne possèdent pas les même limites d’acceptations des règles qui régissent un univers de fiction, il est très important pour un auteur de rester cohérent par rapport à ce qu’il a défini dans celui-ci. Car la suspension consentie de l’incrédulité peut être brisée à tout instant, sortant complètement le lecteur /spectateur de l’œuvre et mettant fin à son immersion dans le récit.

Certaines techniques de récits peuvent mettre fin à cette suspension consentie de l’incrédulité. C’est par exemple le cas de la technique qui consiste à briser le quatrième mur, sortant le lecteur/spectateur de la fiction en lui rappelant justement qu’il est en train de lire/voir une œuvre de fiction. D’autres technique comme le Deus ex Machina viennent également casser l’intrigue mise en place en provoquant une résolution des problèmes rencontrés par les protagonistes de l’histoire qui ne correspond pas au cadre mis en place.

Même si l'univers peut paraître fantaisiste, si la cohérence est suffisante, alors la suspension consentie de l'incrédulité pourra s'appliquer

Mais d’un autre côté, il est également important pour l’auteur de comprendre un point central pour son œuvre : il n’est pas nécessaire pour lui de répondre à toutes les questions que pourraient se poser les lecteurs/spectateurs. Une part de mystère est importante dans l’œuvre, car elle permet de générer le débat chez le public, de donner naissance à des théories qui étoffent d’elle-même l’univers présenté. Répondre à toutes les questions, en plus d’être impossible, alourdirait l’œuvre et l’univers présenté, le rendant indigeste voire même moins intéressant. Gardez donc à l’esprit qu’un peu de flou sur certains éléments est important et peut donner lieu à de belles discussions.

Traquer les incohérences pour les révéler au grand public

Nombres de lecteurs/spectateurs se sont fait un point d’honneur à traquer ce qu’ils considèrent comme des incohérences dans le récit. Comprenez par là qu’il recherche, dans l’œuvre de fiction, des évènements, des comportement qui ne respectent pas les règles définie par l’auteur et qui décrédibilisent son récit.

Sources