Et si la conquête spatiale n’était plus un rêve ? Et si on pouvait voyager par delà l’espace pour s’établir sur d’autres planètes et recommencer une nouvelle vie ? Et si ce rêve se changeait en cauchemar quand les compagnies qui ont investi tant d’argent dans ces projets décident d’envoyer leurs armées pour piller ces mondes devenus rentables ? Lorsque l’univers est gouverné par l’argent, seuls les plus riches et les plus malins survivent. Alors quand une opportunité de s’enrichir sans risque se présente, c’est sans hésitation que Lawrence décide de la saisir.
Fiche technique
- Auteur: Peter F. Hamilton
- Titre original : Fallen Dragon
- Première parution : 2001
- Genre: Science-fiction
- Niveau: Bon lecteur
Bibliochimie
Si un alchimiste voulait recréer ce livre dans son alambic, quelles choses pourrait-il utiliser comme ingrédient ?
- Des planètes colonisées par la Terre il y a quelques siècles de cela
- Des humains améliorés génétiquement et optimisés par des machines
- Un empire capitaliste tout puissant
- Un jargon technique digne d’un ingénieur en aérospatiale
L’histoire
Au XXIVe siècle, la conquête de l’espace n’est plus qu’un lointain passé. Les centaines de mondes colonisés par la Terre, éparpillés aux quatre coins de l’univers, sont laissées en autogestion par les gouvernements mis en place et le voyage intergalactique est petit à petit abandonné. Difficile cependant pour les grandes entreprises d’abandonner ces mondes dans lesquels elles ont investi tant d’argent. Alors, quand l’opportunité de recouvrer une partie de ses capitaux se présente, la compagnie Zantiu-Braun n’hésite pas une seule seconde, même si cela signifie pour les colonies en question être pillées et dépossédées de tous leurs biens.
Ces « retour sur investissement », consistant en des expéditions militaires de pillage plus ou moins légal sur les planètes colonisées, ont cependant un coût important, car elles nécessitent l’intervention de la technologie des trous de vers, aussi les compagnies se rendent-elles sur ses colonies épaulées par une armée de soldats en combinaisons biomécaniques lourdement armées.
Ancien habitant d’une planète colonisée, Lawrence Newton est devenu sergent de Zantiu-Braun (Z-B). Incapable de s’élever dans la hiérarchie de la compagnie, qui nécessite de gros investissements pour grader, il décide de profiter de sa nouvelle affectation sur la planète Thallspring pour réaliser son propre retour sur investissement ; car Lawrence s’est déjà rendu sur cette planète et sait que celle-ci possède une richesse dont la compagnie ignore l’existence.
Cependant, il se pourrait que la campagne sur Thallspring ne se passe aussi bien que prévu pour Zantiu-Braun, et que Lawrence se retrouve sans le vouloir impliqué dans un conflit dont il se serait bien passé.
L’univers
Même si l’univers de cette œuvre paraît immensément vaste, on suivra les aventures des différents héros sur une série de planètes bien particulières, qui sont liés entre elles de manière très forte, que ce soit par leur histoire, par leur économie ou simplement par la haine que se vouent leurs habitants. Bien que d’autres planètes soient mentionnées, voici quels sont les principaux théâtres de l’action :
- La Terre: Il s’agit de la planète-mère, de laquelle tout à réellement commencé. La conquête spatiale a permis à sa population, devenue trop nombreuse, de commencer une nouvelle vie sur des planètes terra-formées (transformées pour permettre aux humains d’y vivre). Ravagée par la pollution, la planète a manqué disparaître et c’est grâce à de gigantesques compagnies industrielles que l’espèce humaine a pu survivre. Agriculture, sylviculture et économie y sont étroitement surveillées et gérées, afin d’empêcher guerres et famine. Malgré tout, les habitants n’y sont pas tous égaux. Les riches familles possèdent assez d’argent pour optimiser leur corps et celui de leurs enfants afin de vivre plus longtemps tout en bénéficiant de capacités hors du commun. Le bas peuple ne pouvant accéder à ces technologies, il souffre des maladies et de malnutrition.
- Thallspring: Une planète relativement semblable à la Terre, comme presque toutes les colonies d’ailleurs, et qui fait l’objet du prochain retour sur investissement de la part de la compagnie Zantiu Braun.
- Amethi: La planète natale de Lawrence Newton, possédant un climat glaciaire obligeant les habitants à vivre sous des dômes en attendant la fin de sa terraformation.
- Santa Chico: Il s’agit d’une colonie un peu particulière, puisqu’on n’y suit les aventures des héros que par flashback. Élément du passé, Santa Chico est connue pour avoir empêché Z-B d’effectuer son retour sur investissement. Planète recouverte presque entièrement de jungles, ses habitants ont abandonné la terraformation de celle-ci pour adapter leur corps à leur environnement plutôt que l’inverse.
L’univers est également développé d’une manière quelque peu particulière par l’un des personnages se trouvant sur Thallsprings. Racontant une histoire de conquête spatiale à des enfants, une maîtresse d’école du nom de Denise (qui se trouve être bien plus que cela en réalité) nous permet de découvrir un aspect de l’univers et de son histoire qui nous paraît, de prime abord, complètement farfelu. Les technologies et races mentionnées nous semblent alors tout droit sorties de l’imagination de Denise, mais fort est de constater que plus on avance dans l’histoire, plus les similitudes avec l’univers de Dragon Déchu sont grandes. Au final, il s’avère que l’histoire fictive ne l’est pas tant que ça et qu’il s’agit en réalité d’évènements qui se sont réellement produits. L’univers prend alors une toute nouvelle dimension, pour le plus grand plaisir du lecteur.
Le style
Hamilton fait le choix de traiter l’intrigue de manière quelque peu hachée. On suit tantôt les aventures du héros durant sa jeunesse avant de revenir à son présent, et ce de manière totalement aléatoire, du moins en apparence. Les personnalités du héros jeune et adultes sont d’ailleurs si dissemblables qu’on a presque l’impression de suivre deux héros différents. Cette manière de procéder rend le récit quelque peu difficile à suivre au début. On est tout de suite projeté dans les machinations d’un univers qu’on ne comprend pas mais qui, au fil des chapitres, se fera de plus en plus tangible. Le développement des personnages est particulièrement bien traité. Les événements du passé nous permettent de comprendre les raisons qui ont fait que le Lawrence du présent est si différent du Lawrence jeune. Les personnages secondaires bénéficient également d’un traitement soigné, ce qui rend l’univers si réaliste. Hamilton place l’humanisme au centre de ses réflexions et de celles de son héros, qui ne cesse de s’interroger sur son passé, les évènements qui l’on amené à faire des choix difficiles, et les raison de ces choix. Ces réflexions trouvent écho dans ce qu’est devenu la Terre au fil des siècles, accentuant encore la cohérence de l’univers mis en place. Sur le plan technique, les explications restent discrètes, même si on peut parfois trouver une certaine lourdeur. Le tout respecte les codes fondamentaux de la science-fiction et du sous-genre du Space opéra (qui consiste à traiter une histoire de conquêtes spatiales épiques ou dramatiques qui se déroule dans un cadre géopolitique complexe) sans réellement proposer quelque chose de fondamentalement nouveau.
Avis de la rédaction
Dragon Déchu est un Space Opéra pour le moins intéressant qui met en place un univers très réaliste et surtout affreusement familier puisqu’il est gouverné par l’argent. Capitalisme, investissements, capitaux, intérêts, dettes, placements et autres financements ont façonnés le monde pour en faire une sorte d’industrie planétaire sur le déclin. Tout utopique qu’elle était, la conquête spatiale a été rendue possible par des industries gigantesques, qui possédaient alors le monopole sur la planète et qui voyaient dans l’espace une opportunité de s’enrichir encore plus. Mais que faire quand le rêve se heurte à la réalité ? Comment réagir quand les investissements faits dans le voyage spatial se heurtent à des coûts bien plus élevés que prévus ? Une seule réponse, faire tout ce qui est « humainement » possible pour rentrer dans ses frais, quitte à provoquer des guerres pour cela. De toute manière, la Terre est la pointe de la technologie et ne risque donc rien en débarquant sur de pauvres colonies sous-développées pour les piller. On utilise donc des trous de vers, une technologie fabuleuse permettant de rejoindre l’autre bout de l’univers connu en quelques secondes. Revers de la médaille, cette technologie est affreusement coûteuse et à usage unique. Le retour sur investissement doit donc être particulièrement profitable pour éponger les frais de construction de celui-ci, quitte à faire couler un peu de sang. Hamilton revoit donc la classique conquête spatiale en la passant sous la loupe d’un libéralisme capitaliste corrompu jusqu’à la moelle. Même l’humanité, optimisée par des nanotechnologies, modifiée génétiquement pour vivre plus longtemps, clonée pour permettre d’avoir suffisamment de pièces de rechange en cas de problème, n’est plus que l’ombre d’elle-même. La critique est acerbe et traitée avec brio tout au long de l’ouvrage, et la conclusion tout aussi magnifique. Si l’on offrait toute la connaissance emmagasinée dans l’univers à l’espèce humaine, est-ce que celle-ci serait capable d’en faire bon usage ou les humains provoquerait-ils la fin de l’univers ? A cette question, Hamilton laisse le lecteur en décider en ne proposant pas une fin figée mais un retour en arrière, sur la planète d’origine du héros et en terminant simplement le récit avec une question « pauvre vieux, je me demande s’il a su résister à la tentation ». Un ouvrage sympathique, même s’il faut s’accrocher sur l’emploi d’une terminologie propre au voyage interstellaire digne d’un ingénieur en aéronautique
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