Nous touchons ici à l’une des plus grandes difficultés que vous rencontrerez en tant que joueur et Maître du Jeu, et ce peu importe l’univers dans lequel vous évoluerez. La gestion de l’alignement de votre personnage, ou de vos personnages dans le cas où vous êtes Maître du Jeu, est perçue par certains comme une grande difficulté et un système limitant – même si, en réalité, le système est très souple. Les alignements sont employés par de nombreux jeux de rôles, comme Donjons et Dragons ou les jeux tirés du Monde des Ténèbres par exemple. D’autres jeux, comme le Donjon de Naheulbeuk ou Warhammer, ainsi que presque tous les jeux dérivés des systèmes Modern d20 ou Palladium, en emploient également.
Qu’est ce que l’alignement
Pour faire simple, l’alignement représente le positionnement d’un personnage par rapport à différents concepts philosophiques, comme le Bien, le Mal, la Loi ou le Chaos par exemple. Ces concepts peuvent varier d’un univers à un autre mais, le plus souvent, ceux-ci se retrouvent par groupe de deux opposés, avec un neutre au centre. L’alignement sert à montrer vers quel concept penche le code moral d’un personnage et devrait donc définir strictement les actions du personnage par la suite. Un personnage Bon, par exemple, (comprenez par là un personnage dont le code moral penche vers le concept de bonté) devrait faire que ce personnage est incapable de mauvaises actions. En réalité, la notion d’alignement est plus souple que cela et permet une certaine flexibilité, ce que beaucoup de joueurs ou de Maîtres du Jeu tendent à oublier.
Comment fonctionne l’alignement ?
En fonction des univers, l’alignement est représenté de différentes façons, la plus courante restant encore l’emploi d’échelles, comme les quelques exemples présentés ci-dessous :
Les échelles d’alignement permettent une évolution linéaire de l’alignement dans deux directions. Ces directions représentent des codes moraux s’opposant, avec une valeur neutre au centre qui signifie que le personnage ne penche ni vers l’un de ces codes, ni vers l’autre. On trace une croix dans une des cases de chaque ligne d’évolution, ce qui nous indique l’alignement stricto sensu de notre personnage. Par la suite et en fonction des actions du personnage, l’alignement de celui-ci peut évoluer sur cette échelle. Si on prend l’échelle Bonté-Egoïsme-Malveillance par exemple, une action de bonté fera monter le personnage d’une ou plusieurs case(s) en direction de Bonté, alors qu’une action de Malveillance fera évoluer le personnage en direction de ce concept. Quand le personnage se déplace suffisamment vers un concept (comprenez par là que sa croix passe dans une case d’une autre catégorie, passant d’Egoïsme à Malveillance par exemple), on dit que le personnage change d’alignement.
Problèmes de la gestion d’alignement
Que l’on soit joueur ou Maître du Jeu, il arrivera nécessairement un moment où l’alignement d’un personnage posera problème, du moins en apparence.
En tant que joueur, vous vous retrouverez face à des dilemmes du genre : « mon personnage est bon, mais l’action que j’aimerais entreprendre ne l’est pas. Ai-je le droit de la faire ou pas ? ». Ce genre de questions ne se pose pas si on considère l’alignement comme quelque chose de rigide. Dans ce cas, la réponse serait clairement « non, je respecte mon alignement et je ne fais pas cette action ». Comme nous l’avons vu cependant, l’alignement est quelque chose de flexible et certaines conditions permettent des actions qui ne suivent pas l’alignement du personnage. Prenons un exemple simple.
- Maître du Jeu – Je résume : votre groupe est à présent reconnu coupable de complicité dans le vol du trésor royal, et cela malgré le fait que vous ayez cru agir justement sur ordre du roi.
- Voleur – Si je remets la main sur notre commanditaire, je vais lui faire passer l’envie d’embobiner les honnêtes aventuriers !
- Maître du Jeu – Les prisonniers sont priés de ne pas interférer. Bien, le rôdeur, tu étais à l’extérieur du palais quand tes camarades se sont fait arrêter, tu es donc le seul qui peut encore agir pour les aider.
- Rôdeur – MJ, qu’on soit bien d’accord, si je les fais évader de prison, je vais à l’encontre du jugement, donc de la loi ?
- Maître du Jeu – Tout à fait.
- Rôdeur – Donc, ce serait aller totalement à l’encontre de mon alignement Loyal, même si mon but n’est pas de commettre un crime mais de sauver mes amis ?
- Maître du Jeu – C’est exactement ça.
- Rôdeur – Du coup, MJ, qu’est-ce que je peux faire ?
Dans le cas d’un alignement rigide, la question ne se pose même pas. Le personnage laisse tomber ses compagnons pour faire respecter la loi, point final.
En réalité, et fort heureusement, le personnage est libre d’aller à l’encontre de son alignement et aider ses compagnons. Dans ce cas, le Maître du Jeu annoncera que l’action entreprise va à l’encontre de l’alignement du personnage, par exemple, et que celui-ci se déplace de quelques cases en direction des chaotiques. Par son action, le personnage a donc revu son code moral, déplaçant son mode de pensée pour s’éloigner de la loi. Si ce n’était pas la première action qui penchait en faveur du chaos, le personnage sera peut-être amené à changer d’alignement pour devenir neutre.
En tant que Maître du Jeu, vous serez amené à traiter un grand nombre de personnages non-joueurs et vous verrez rapidement que les alignements vous faciliteront la vie pour jouer vos personnages. Un alignement renseigne sur la conduite générale du personnage en question et vous donne une orientation pour adapter son comportement. Mais il s’agit bien là d’une orientation, et non d’une obligation. Un personnage bon ne court pas nécessairement dans les rues pour châtier toutes les créatures malveillantes qu’il croise sans se poser de question, tout comme un personnage malveillant ne tuera pas toutes les créatures vivantes qu’il croise pour son simple plaisir (même si cela peut arriver). La règle d’or est alors de faire preuve de subtilité. L’alignement est là pour vous donner une ligne directrice pour votre personnage et peut être sujet à interprétation. Ainsi, évitez les personnages Mauvais qui attaquent systématiquement le groupe d’aventuriers simplement parce qu’ils sont mauvais. Évitez aussi les personnages Bons qui attaquent le groupe parce que celui-ci n’est pas entièrement composé d’autres personnages bons, etc.
Changement d’alignement
Beaucoup de joueurs et Maître du Jeu voient le changement d’alignement comme quelque chose de mal, comme une preuve que le joueur est incapable de respecter l’orientation morale de son personnage et donc, par extension, qu’il ne respecte pas le rôle play de celui-ci. Dans certains cas, cela peut s’avérer correct, et ce principalement pour les joueurs débutants. Dans ces cas, il peut arriver qu’un joueur choisisse un alignement, mais que celui-ci ne lui convienne pas. Au fur et à mesure des quêtes et scénarios, il remarquera qu’il ne peut simplement pas jouer avec un tel code moral et changera d’alignement par suite d’actions s’opposant à ce code. Il s’agit là d’un cas extrême, mais qui méritait qu’on s’y attarde. Pour le reste, le changement d’alignement est plutôt à prendre comme une évolution d’un personnage, une transformation de sa manière de penser suite aux aventures auxquelles il participera. Un personnage profondément loyal pourra, par exemple, changer pour terminer dans les neutres en voyant que la loi est partiale dans le pays où il évolue et que celle-ci est plus un carcan qui l’oppresse qu’une aide qui lui permet de se développer. De la même manière, un personnage mauvais pourra gentiment revenir à la bonté en voyant que ses actions lui sont plus bénéfiques. Il ne s’agit là que de quelques exemples qui permettent de dégager une règles simple pour tous les Maîtres du Jeu et Conteurs : « si le changement d’alignement survient suite à une série d’actions rôle play, une évolution logique du personnage suite aux évènements scénaristiques ou par la suite de choix cornéliens, il ne devrait pas être pénalisé »
La minute de la littéraire, par Mikaua : un choix cornélien (de l’auteur de théâtre Corneille) est un choix important qui met dans la balance des concepts comme l’honneur ou le devoir, mais qui est tragique parce qu’il n’a aucune bonne solution.
Une action pour laquelle les alignements s’opposent
De toutes les situations qui peuvent s’avérer problématiques dans la gestion d’un alignement, celle-ci est certainement la pire. L’opposition des alignements survient quand un jeu de rôle emploie plusieurs échelles d’alignement ,comme c’est le cas de Donjons et Dragons par exemple. Dans cet exemple précis, vous évoluez sur deux échelles : Bien-Neutre-Mal et Loi-Neutre-Chaos. La combinaison des différents alignements nous donne donc 9 alignements possibles (LB ; NB ; CB ; LN ; NN ; CN ; LM ; NM ; CM). D’autres jeux, comme ceux tirés du système Palladium, n’en possèdent que 7, alors que d’autres moins encore, mais qui dit deux alignements ou plus dit également possibilité d’opposition.
Reprenons notre groupe cité plus haut.
- Maître du Jeu – Bien, résumons : votre groupe est à présent reconnu coupable de tentative de meurtre sur la personne de l’héritier du duc, et cela malgré le fait que vous ayez cru être en train de déjouer un complot contre le roi.
- Voleur – Y’a comme un air de déjà-vu, MJ !
- Maître du Jeu – Toi, tu es dans les geôles, donc tu te tais. Bien, le guerrier, tu as réussi à ne pas te faire prendre en même temps que les autres, donc tu es le seul à pouvoir les aider.
- Guerrier – Donc, MJ, je dois choisir entre respecter mon alignement Loyal et les laisser croupir là où ils sont, ou aller contre mon alignement et les faire évader de prison. C’est ça ?
- Maître du Jeu – En partie seulement. Lorsque le jugement a été rendu public, tu as pu apprendre que la peine infligée à tes compagnons serait la mort par pendaison.
- Voleur – QUOI ?! Mais c’est abusé ! On l’a même pas égratigné, leur héritier, la garde nous est tombée dessus avant !
- Maître du Jeu – Silence dans les geôles, j’ai dit !
- Guerrier – Corrige-moi si je me trompe, MJ, mais laisser mourir mes amis – qui sont un peu la seconde famille de mon personnage – pour un crime qu’ils ont commis sans le savoir, c’est contraire à mon alignement Bon ?
- Maître du Jeu – Non, non, c’est bien ça.
- Guerrier – Du coup, MJ, qu’est-ce que je peux faire ? Je suis Loyal Bon : quoi que je fasse, je trahis un de mes alignements !
Ce genre de cas de figure est compliqué à résoudre et on parlera volontiers de choix cornélien car aucune des solutions n’est réellement bonne (pour le personnage en question, bien entendu, il est évident que le reste du groupe apprécierait de ne pas finir pendus). Mais il s’agit ici également de grands moments de rôle play qui font tout le piquant de certaines parties. C’est à ce moment-là que le personnage devra faire un choix. Soit il décide de faire passer la loi par dessus tout, soit il décide de sauver ses compagnons pour que le Bien triomphe. En fonction de ses actions, la partie peut prendre un virage à 90° et vous pouvez être certains que les joueurs s’impliqueront à 200% dans votre partie.
Gérer un alignement neutre
De tous les alignements, leur neutre, c’est à dire celui qui se trouve au centre d’un code moral, est de loin le plus flexible à jouer et le plus simple pour débuter une partie. Bien entendu, il peut arriver qu’un personnage ne puisse choisir cet alignement pour une raison ou pour une autre (comme certains prêtres dans Donjons et Dragons par exemple). En tant que personnage Neutre (qu’on nomme parfois Egoïste aussi), vous marchez sur la ligne qui oscille entre deux codes moraux. Tantôt bon, tantôt mauvais, respectant la loi quand cela vous arrange, la bafouant que cela s’avère nécessaire, faisant preuve d’humanité que cela vous sied et vous comportant comme une bête le reste du temps, vous pouvez faire des choix qui surprennent vos compagnons et vous n’êtes pas obligé de suivre de ligne directrice précise. Pour toutes ces raisons, l’alignement neutre est généralement préféré par les joueurs qui débutent, évoluant par la suite à mesure que leurs personnages évoluent.
Ce qu’il faut retenir de la gestion d’alignement
- L’alignement représente le code moral d’un personnage
- L’alignement donne une orientation pour le comportement d’un personnage
- L’alignement n’est pas rigide, bien au contraire
- Il ne faut pas pénaliser les changements d’alignement quand ceux-ci sont justifiés par du rôle play
- Comme dans la vie réelle, tous les choix ne sont pas entièrement bon ou mauvais, ne respectent pas toujours strictement la loi ou ne sont pas totalement chaotique, tout est une question d’interprétation.
- Ne pas voir l’alignement comme une entrave mais plutôt comme un résumé de la somme des actions du personnage à un moment donné.
Avis de la rédaction
Mikaua : Selon moi, pour avoir subi ce modèle en tant que joueur, une gestion rigide de l’alignement est totalement contre-productive. En effet, le but de faire du rôle play avec un personnage, c’est précisément d’endosser le rôle et de rendre le personnage vivant. Or, un être vivant, ça évolue avec les expériences qu’il vit, et son code moral avec lui ; c’est là tout l’intérêt de jouer ! Donc je suis à cent pour cent d’accord avec l’idée qu’un changement d’alignement ne doit pas être puni s’il est le résultat d’une évolution due au rôle play. En tant que Maître de Jeu, j’ai même plutôt la tendance inverse, à savoir de récompenser les joueurs qui font primer le rôle play sur le reste, car ça augmente l’immersion et le plaisir de jouer.
Keul : J’ai eu la chance de devoir gérer l’alignement en tant que joueur tout d’abord, dans un système strict et très peu flexible. Qui plus est, je l’ai fait avec une classe de personnage qui possédait en plus des restrictions d’alignement. Autant dire que pour un début, ce ne fut pas simple. J’ai pu constater que l’application stricte et carrée de l’alignement, sans réflexion ni compromis, ne mène qu’à la frustration, et c’est pour cela que par la suite, en tant que Maître du Jeu, j’ai décidé d’appliquer les règles telles qu’elles devraient l’être selon moi. Etant un inconditionnel du Rôle Play, j’applique les changements et évolutions d’alignement sans malus et ni punitions en cas de respect de celui-ci, et, jusqu’à présent, je n’ai pas eu à m’en plaindre. Je ne peux donc que recommander cette méthode
Xefed : Je ne me suis personnellement jamais réellement intéressée à mon alignement, qui variait en fonction de mon humeur du moment. Généralement, mon alignement se calibre de lui-même sur mes actions et je finis presque toujours dans les chaotiques, allez savoir pourquoi. Sinon, j’ai aussi eu le droit à des règles et un cadre strict, il m’arrivait de changer d’un alignement en une action, avec malus d’expérience au final, et ça m’énervait, aussi peu de flexibilité. Plus tard, j’ai connu d’autres jeux de rôles à alignement avec des règles plus flexibles et il n’y a pas de comparaison possible entre les deux. La flexibilité, c’est la base de l’amusement.
Schux : Moi je le dis, l’alignement ne limite pas le personnage. J’ai eu la chance de jouer un paladin à Donjons & Dragons, et même si l’alignement Loyal Bon peut sembler difficile à jouer, je dirais que c’est simple en réalité : il faut juste être stupidement téméraire et naïvement vouloir faire le bien, quel que soit le danger. Genre plonger dans une fosse septique équipé d’une armure pour sauver une demoiselle en détresse. Après, faut assumer ses actes.
3 commentaires
Daraven · 29 juin 2016 à 22 h 19 min
Eh bien dites moi, un sacré morceau auquel vous vous êtes attaqué. La gestion de l’alignement n’est pas chose aisée, je dois bien l’avouer. En tant que Maître du Jeu, j’ai malheureusement dû le laisser de côté avec certains de mes joueurs peu expérimentés, à mon grand damne. J’y suis revenu par la suite par petite dose pour qu’il devienne partie intégrante de mes campagnes, mais ce ne fut pas simple. Je trouve ça dommage car c’est un élément très important selon moi, mais je suis peut être trop orienté rôle play (on ne se refait pas j’en ai peur)
En passant, je constate avec plaisir que l’équipe s’étoffe. Je ne connais pas ce Schux (d’ailleurs je n’ai pas trouvé sa description dans le Staff) mais il a tout mon respect d’avoir tenté l’expérience Paladin D&D. J’aime bien l’avis de la rédaction, je la trouve plus conviviale qu’une simple conclusion.
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