Il y a les gentleman cambrioleurs, il y a les justiciers au grand coeur qui volent aux riches pour voler aux pauvres… et il y a les vrais roublards, ceux qui ne pensent qu’en terme de profit – qu’il soit personnel ou de nature plus matérielle. Les Mensonges de Locke Lamora en présente un spécimen particulièrement intéressant en guise de personnage principal, et c’est ce qui nous a poussé à vous le faire découvrir.
Fiche technique
Titre de la série : Les Salauds Gentilshommes
Titre original : The lies of Locke Lamora
Titre original de la série : The Gentleman Bastards (sic)
Auteur : Scott Lynch
Genre : Fantasy
Niveau : Bon lecteur
Bibliochimie
Si un alchimiste voulait recréer ce livre dans son alambic, que pourrait-il utiliser comme ingrédient ?
– La Venise de la Renaissance en dix fois pire (surtout les complots)
– De l’escroquerie à tous les niveaux
– Un héros sans aucun sens de la mesure, quel que soit le sujet
A quoi s’attendre
Les arnaqueurs ont le don de fasciner : difficile de s’arracher à la contemplation de leurs manigances, à ce brio avec lequel ils mènent tout le monde par le bout du nez. Leur aisance en la matière paraît moqueuse, presque condescendante, comme s’ils étaient des créatures infiniment supérieures à leurs pauvres victimes.
Avec Locke Lamora, on se hisse encore au niveau au-dessus car, là où tout arnaqueur normalement constitué reculerait sagement en jugeant le coup trop risqué, lui se contente de sourire avant de s’y atteler avec jubilation. A croire que l’instinct de survie a chez cet homme été supprimé pour laisser davantage de place à son culot monumental. Locke et sa petite bande – trois hommes et un gamin encore apprenti – élèvent l’escroquerie au rang d’art, dans lequel ils sont passés maîtres. Du pire ruffian au plus raffiné des nobliaux, ils peuvent incarner n’importe quel personnage pour mener leurs plans à bien et c’est un réel bonheur de les suivre dans leurs aventures rocambolesques, allant de succès éblouissants en ratés mémorables, en passant par plusieurs rattrapages de dernière minute.
Mais un atout peut être à double tranchant, et cette absence totale de mesure qui caractérise Locke finira par se retourner contre lui, au moment même où la pègre de Camorr, dont il fait partie tout en se réservant une certaine liberté, se retrouve confrontée à la menace d’une guerre.
Le style
L’auteur écrit dans un style très prenant mais instaurant une légère distance. On ne se retrouve pas tiré à l’intérieur de l’histoire pour la vivre, mais on n’en est pas moins captivé par elle. Un peu comme si un conteur particulièrement talentueux la partageait avec nous : il y a une petite distance entre le récit et nous, mais on n’en attend pas moins avidement de découvrir la suite.
L’aventure est contée en deux trames temporelles : l’actuelle, où on suit Locke et ses compagnons dans leurs arnaques, et une trame antérieure qui nous permet de découvrir les personnages encore enfants, sous la houlette de leur maître, en train d’apprendre les ficelles du métier. L’histoire suit la trame temporelle actuelle et des interludes viennent glisser ici et là quelques épisodes de la trame antérieure, permettant au fur et à mesure, grâce à une meilleure connaissance du passé de chacun, de voir le présent sous un jour différent.
Enfin, les personnages sont très bien campés, chacun ayant son tempérament et son petit caractère – le plus souvent bien trempé – et l’auteur a poussé jusqu’à donner à chacun une manière de parler bien à lui, si bien que le vocabulaire utilisé dans telle ou telle réplique suffit bien souvent à déterminer qui est en train de parler – lorsqu’ils ne jouent pas un rôle, bien sûr. L’univers, enfin, est fouillé et bien maîtrisé. On verra particulièrement les bas-fonds de la ville de Camorr, là où les capa, les chefs de bandes, font la loi.
Conclusion
Une histoire prenante, des personnages charismatiques, les Mensonges de Locke Lamora est réellement un très bon livre, qui donne envie de lire les deux autres tomes déjà parus dans la série. Il pourrait même se révéler une bonne porte d’entrée dans la fantasy pour ceux qui veulent s’y essayer, car la magie y est présente mais ne tient pas un rôle majeur, laissant le devant de la scène à l’ingéniosité des personnages et à leurs propres capacités.
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