Amplement répandu chez les fans d’animation, de mangas et d’autres jeux vidéo, le Moe est petit à petit passé du terme désignant le développement de sentiments envers un personnage fictif à la désignation d’un caractère typé de personnages d’œuvres de fiction.
Définition
Moe – qu’on trouve également sous l’orthographe moé – est un terme d’argot japonais qui est utilisé pour parler d’un sentiment d’affection, d’adoration, de dévotion et d’excitation tourné vers des personnages de fiction féminins. Le terme Moe peut également être employé pour des sentiments envers des personnages masculins, même si c’est plus rare. Tous les personnages moe, qu’il s’agisse de personnages féminins ou masculins, proviennent d’univers de fiction comme les mangas, les animes et les jeux vidéo. Ces personnages qui entraînent des sentiments moe sont nommés « personnages moe »
Le concept de Moe est étroitement lié au concept de kawaii, même s’il est poussé à l’extrême jusqu’à en devenir un cliché. Il ne s’agit pas d’un genre littéraire à proprement parler, mais plus d’une composante qui peut se retrouver dans une œuvre et qui est caractérisées par des règles strictes concernant le comportement ou le physique d’un personnage fictif.
Origines du terme
Comme bien souvent, l’origine du terme Moe n’est pas claire et sujette à débat.
Si on se réfère au livre « Cruising the anime city : an otaku guide to neo Tokyo » de Tomohiro Machiyama et Patrick Macias, le terme Moe pourrait provenir du surnom donné à Sailor Saturne – Tomoe de son vrai nom – de la série Sailor Moon, voire du personnage de Moe Sagiwara de la série animée Dinosaur Planet
Toujours selon ce livre, l’origine du terme pourrait également provenir de l’utilisation de mot japonais « moeru » (燃える), qui décrit la passion qui brûle pour un personnage.
Mais même si les origines du terme restent floues, celui-ci est entré dans le vocabulaire commun japonais et est désormais couramment employé, bien que sa définition reste peu précise et souvent implicite pour ceux qui l’utilisent.
Du premier Moe à l’émergence du genre
On considère généralement que l’une des œuvres d’Hayao Miyazaki – le château de Cagliostro – serait à l’origine du premier personnage moe en la personne de Clarisse. Celle-ci est la première à avoir été reprise dans des dōjinshi, des écrits et des dessins créés par des artistes et écrivains dérivés de l’œuvre originale. Les dōjinshi ont rapidement donné naissance à des communautés de fans avides de ce genre de publications et à la création de conventions de dōjinshi. Dans certaines milieux, les dōjinshi sont développés par des auteurs tiers qui reprennent les héros et héroïnes de leurs histoires favorites afin de les placer dans de nouveaux univers et développer de nouvelles histoires. Bien souvent cependant, ce genre de récits glisse vers les genres harems ou hentaï, dénaturant l’œuvre originale et les personnages qui la composent.
Nombres de mangakas pensent que le succès du moe est lié à la fin de la guerre froide. Sortis du cadre rigide de celle-ci, débarrassés de l’ambiance pesante qu’elle imposait aux japonais et des atrocités qui y ont été commises, ces derniers se sont alors détournés des seinen guerriers à succès pour une littérature plus légère, qui leur permettait de s’éloigner de la réalité pour retrouver des valeurs qui avaient alors été perdues.
La guerre finie, la jeunesse japonaise s’est alors mise à se créer une nouvelle identité culturelle au-delà des cadres de celle-ci, identité qui s’est formée via une consommation excessive d’œuvres de fiction ainsi que d’autres loisirs. Cette de cette consommation effrénée que sont nés les premiers personnages moe.
Par la suite, un tournant est survenu avec l’apparition de la série Neon Genesis Evangelion (1995-1996), un anime qui a connu un succès fulgurant au Japon. Incarné par le personnage féminin d’Ayanami Rei, qui n’est autres qu’une synthèse de différents types de personnages moe, ce tournant a redéfini les codes du genre et grandement participé à son succès.
Mais le moe doit également son succès à la société japonais d’après-guerre et à l’image l’image kawaii véhiculée pour les jeunes filles dans les magazines pour jeunes adolescentes de l’époque. Celles-ci étaient alors fortement orientées vers l’achat et la consommation extrême, presque boulimique, de produits de « mignonneries » afin de remplir leur chambre et se constituer une identité propre aux jeunes filles de l’époque ; identité qui se rapprochait fortement des caractéristiques des personnages moé.
Caractéristiques des personnages moe
Les premiers personnages moé à avoir vu le jour sont toutes des jeunes filles qui affichent un ensemble de caractéristiques dites moe : grands yeux sans pupille, peau brillante, petits (ou pas de) seins et une personnalité innocente ou pure. En plus de ces caractéristiques, les personnages moe sont généralement maladroits et possèdent une grande naïveté, ainsi qu’une certaine incompréhension pour le sexe opposé. Mais les personnages moe cachent également un autre caractère plus glauque, qui est que ces derniers ne doivent pas posséder d’expérience sexuelle afin de garder leur pureté auprès des fans. Le moe est donc une sorte d’idéal de la femme jeune et innocente fantasmé par les lecteurs.
Les traits de comportement des personnages moe sont généralement poussés à leurs paroxysmes par les studios d’animation afin de créer un lien émotionnel avec le public et d’engendrer une envie de protéger ceux-ci. Pour être moe, un personnage doit alors remplir un certain « cahier des charges » comprenant certains comportements-clés comme le fait d’être enthousiaste ou enjoué, de ne pas être trop indépendant, afin de susciter chez le spectateur un désir de protection et l’envie de s’occuper de lui.
Comme c’est le cas pour les genres du manga et de l’animation, le Moe se décline en plusieurs sous-catégories qui dépendent à la fois du physique et du comportement général du personnage moe. Ces sous-catégories ne s’excluent pas l’une l’autre et il n’est pas rare qu’un personnage moé entre dans plusieurs catégorie à la fois. Mentionnons au passage qu’il est assez étonnant de noter que, même si les différentes catégories d’otakus sont rarement unanimes sur un sujet, le terme moe semble faire l’unanimité. Entre autres exemples de personnages moé, nous pouvons trouver :
- Loli: Personnage féminin jeune, ne dépassant pas habituellement les treize ans.
- Maid: Personnage féminin s’habillant ou officiant comme soubrette.
- Megane: Personnage féminin qui porte des lunettes.
- Neko : Personnage féminin caractérisée par un cosplay de chat mais qui se limite aux oreilles et à la queue.
- Tsundere: Personnage féminin qui apparaît tout d’abord comme caractérielle et difficile à approcher, s’en prenant généralement au protagoniste de l’histoire avant de se révéler comme tendre et affectueuse.
- Yandere: Personnage féminin qui apparaît tout d’abord comme gentille et innocente, mais qui cache une personnalité d’une rare brutalité et violence, généralement par amour.
Pureté et dérives
De par sa nature fictive, le personnage moé et les sentiments qui y sont attachés ne possèdent ni limite ni contrôle. Moe est donc utilisé à la place d’aimer car il véhicule une idée d’amour bien plus fort, tendant vers l’adoration, mais qui peut se développer sans les limitations de la société et des idées préconçues de virilité et de féminité. D’un autre côté, le moe représente un amour véritable, platonique, qui ne saurait souffrir d’aucune attente de la part de l’autre puisqu’il est fictif et, de fait, ne peut trahir celui qui le vit, d’où sa pureté.
Mais bien que la pureté caractérise les personnages moé, cette dernière cache généralement un comportement des fans frisant le fétichisme et menant à des déviances qui peuvent s’avérer malsaines. Nombres de fans de personnages moe peuvent ainsi réagir violemment et de manière extrême quand leur personnage fétiche n’est pas traité de la manière dont ils l’auraient souhaité. Ainsi, il n’est pas rare que certains fans abandonnent complètement une série, voir même aillent jusqu’à brûler leur collection quand leur personnage perd la « pureté » qui le caractérisait.
De même, l’attrait du moe peut vite dériver sur des genres plus particuliers comme le ecchi ou le yaoi qui possèdent tous les deux un caractère érotique et pervers beaucoup plus poussé.
Moe et capitalisme
Mais alors pourquoi cet engouement pour le moe est-il poussé à ce point par les sociétés de production alors qu’il peut, d’un moment à l’autre, provoquer l’abandon de la série par une grande partie de la fanbase ? La réponse, comme bien souvent, est l’argent.
Les personnages moé représentent une manne qu’il est difficile d’ignorer pour les producteurs de séries, qu’elles soient d’animation, de mangas, mais aussi de jeux-vidéo. Les produits dérivés à l’effigie des personnages moe représentent alors une grande partie du chiffre d’affaire de la série et la fanbase moe reste globalement plus riche que la moyenne du public cible, n’étant d’ailleurs que peu regardant sur les sommes à dépenser pour obtenir goodies et autres produits dérivés de leur personnage fétiche.
Pour les auteurs de série, s’assurer qu’au moins un personnage possédant des caractéristiques moe est présent dans l’œuvre leur permet de s’assurer d’intéresser la fanbase moe et ainsi s’assurer de confortables rentrées d’argent.
Le moe est-il voué à disparaître ?
Comme pour tout produit, tant que la demande est présente, l’offre y répondra. Le moe et les personnages qui le caractérisent ont donc encore de beaux jours devant eux ; en témoignent les diverses séries d’animations et jeux-vidéo qui sortent ponctuellement et qui intègrent des personnages moé à leur histoire. Il est cependant fort à parier que celui-ci, à l’instar des genres en vogue dans les séries, manga et jeux-vidéo qui voient la naissance de nouveaux personnages moe, évoluera au fil du temps, donnant naissance à de nouvelles sous-catégories ou intégrant de nouveaux éléments pour se renouveler.
Sources
- Moé, Misogyny and Masculinity: Anime’s Cuteness Problem–and How to Fix It
- Tomohiro Machiyama et Patrick Macias, Cruising the anime city : an otaku guide to neo Tokyo, Berkeley, Stone Bridge, 2004
- http://www.japanesestudies.org.uk/articles/2009/Galbraith.html
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