Le Pays du Soleil Levant, déjà connu pour sa nourriture, sa culture geek et pour ses temples magnifiques, possède également une culture du marketing particulière. En plus de la publicité classique, faite à base de clips vidéo, de flyers en tous genres et de panneaux et écrans gigantesques installés dans les rues les plus fréquentées, le Japon emploie également des mascottes afin de promouvoir villes, marques et évènements en tous genres. Ces mascottes un peu particulières, qui portent le nom de Yuru-Chara, arborent des motifs mettant en avant la culture, l’histoire ou la production locale et sont caractérisées par une apparence kawaii (ou mignonne) et amateur.
Origines du terme Yuru-Chara
Même si le terme générique en japonais pour mascotte est Masukotto, la majeure partie des Japonais emploient le terme de Yuru-Chara.
Yuru-chara, également écrit Yuru-kyara, tire ses origines de la contraction de deux mots ; l’un japonais : yurui (qui signifie mascotte), et l’autre anglais : character (qui signifie personnage). Quand il est employé comme adjectif, yurui signifie également mou, mais il peut aussi être utilisé pour doux, faible ou tranquille, voire aimable ou peu important – caractéristiques qui sont généralement reprises par la majeure partie des Yuru-Chara.
Même si le terme Yuru-Chara est généralement le plus employé par les Japonais, le terme gotōchi-kyara (littéralement personnage local) est aussi utilisé pour certaines mascottes régionales.
Le phénomène est assez récent puisque la première Yuru-Chara officielle date de 2002. Il n’a cependant connu le succès qui est le sien actuellement qu’à partir de 2007, avec la mascotte Hikonyan pour la promotion de la ville d’Hikone.
Les Yuru-Chara sont créées de toutes pièces par le gouvernement d’une région, d’une ville ou par des organisations et entreprises, afin de booster le tourisme et le développement économique local. Certaines marques emploient également les Yuru-Chara pour faire la promotion de leurs produits ou pour servir de représentantes lors d’évènements importants.
De l’origine péjorative au succès d’aujourd’hui
Pour comprendre l’engouement pour ces mascottes au Japon, il faut se replacer dans le contexte du pays et laisser de côté les a-priori sur les Japonais concernant leur côté coincé et rigide. Tous les fans d’animation ou de manga le savent, les Japonais peuvent réellement se laisser aller et savent s’amuser comme personne une fois leurs codes de conduite laissés de côté. Profondément ancrées dans cette culture de l’image qui revêt une importance hors du commun au Japon et qui s’enracine profondément dans une culture animiste et shintoïste où se côtoient de centaines de kamis et de yokaïs, les mascottes ont su se faire une place de choix dans le paysage déjà passablement peuplé de la culture japonaise, incarnant un nouveau pan de la société en personnifiant (un peu à la manière des divinités shintoïstes) des aspects de leur culture et les régions qui leur sont chères..
Aujourd’hui, presque tout possède une mascotte. Du château d’Himeiji à l’aéroport de Narita, en passant par les classiques jeux-vidéos et chaînes de télévision, il existe des milliers de Yuru-Chara, certaines connues et presque vénérées, alors que d’autres sont simplement détestées par les Japonais.
Comme l’a si bien dit Koyama Kundô, qui a participé à la naissance de Kumamon, l’une des mascottes les plus populaires du Japon, pour ne pas dire LA plus populaire et qui représente la préfecture de Kumamoto : « les mascottes ont remplacé le personnel politique, qui a abandonné le terrain pour des sphères éloignées des préoccupations locales. Les kyara peuvent naître d’initiatives commerciales ou institutionnelles, comme ce fut le cas pour Kumamon, mais bien souvent ces personnages sont créés par des anonymes – comme Funasshî, qui représente désormais, de façon non-officielle, la ville de Funabashi, dans la préfecture de Chiba, à l’est de Tôkyô ».
Une Yuru-Chara est toujours unique et vous ne verrez jamais deux Yuru-Chara identiques. C’est là un point très important, car cette unicité fait également tout le charme de ces mascottes pour le peuple japonais. Les Yuru-Chara sont un peu maladroites et possèdent toutes une démarche particulière ainsi que des chorégraphies qui leur sont propres et qui les identifient en tant que personnage vivant. Car oui, pour les Japonais, les Yuru-Chara sont des personnages vivants à part entière, qui possèdent leurs habitudes, leurs loisirs, tout comme un background unique.
Un gain commercial considérable mais pas uniquement
Bien que possédant un attrait mignon considérable, il ne faut pas perdre de vue que les mascottes représentent également un gain commercial considérable. Prenons l’exemple du Yuru-Chara Funasshî, un personnage en forme de poire qui représente – de manière non-officielle – la ville de Funabashi. A elle seule, cette mascotte a généré un bénéfice pour la ville de près de 868 millions de yens durant l’année 2013. Plus encore pour Kumamon ce dernier ayant généré plus de 29 milliards de yens depuis sa création, soit près de 4 milliards de chiffre d’affaire annuel. Les mascottes revêtent donc une importance considérable pour une région ou une préfecture, raison pour laquelle elles participent à des concours pour se faire connaître au delà de leur sphère de création.
Mais même si le gain commercial pour une région, pour un produit ou pour une marque n’est pas négligeable, cet aspect n’est pas le plus important pour les Japonais. Les Yuru-Chara se doivent avant tout d’apporter de l’amour autour d’elles, tout en se faisant aimer en retour. Véritables ambassadrices de leur région ou de leur produit, les retombées financières ne sont alors que secondaires, car ce que représente la mascotte – l’amour de la région, de la préfecture ou de toute autre chose qu’elle incarne – se doit d’être le plus important.
Les Yuru-Chara ont également permis un rajeunissement de la politique du Pays du Soleil Levant qui, déjà vieillissante, n’était plus reconnu par les jeunes générations. Le phénomène s’est donc tout naturellement étendu à la sphère politique, y apportant une nouvelle dynamique et permettant aux divers partis en place d’atteindre les jeunes japonais, en donnant d’eux une image plus positive et plus en adéquation avec la culture des mangas et de l’animation.
Le sommet mondial des mascottes
Afin de se faire connaître donc, les mascottes participent à divers concours. L’un des plus connus est organisé par la ville de Hanyû, dans la préfecture de Saitama, au nord de Tôkyô. Chaque année, cette fête nommée « le Sommet mondial des mascottes », ou « Sekai kyarakutâ samitto in Hanyû » en japonais, réunit des dizaines de milliers de personnes (près de 450’000 en 2013 par exemple) qui viennent découvrir les quelques 452 Yuru-Chara venues défendre les couleurs de leur région.
Sources
- Wikipédia
- Conférence Japan Expo: le Bal des Mascottes
- Séminaire de l’université de Harvard “Economie politique de Kumamon”
- Kyarakutâ Pawâ – La puissance des mascottes, NHK Shuppan shinsho
- http://us.jnto.go.jp/popculture/yuru.php
2 commentaires
Yukino · 20 janvier 2018 à 12 h 41 min
Un grand merci pour votre article! J’ai pris grand plaisir à le lire et à suivre les différents liens fournis dans les sources. Je ne connaissais pas le reportage sur les mascottes et je vais essayer de le trouver pour étoffer un peu mes connaissances avant mon prochain voyage au Japon. Encore merci et bonne continuation!
Aggretsuko - Geek-It · 28 décembre 2020 à 17 h 09 min
[…] Sanrio – appelés les kyara au Japon – représentent une véritable institution tout comme les Yuru-Kara. Sanrio est l’un des pionniers du genre avec la création de nombreuses mascottes depuis 1960. On […]