Ayant perdu le droit de naviguer après avoir subi une attaque de pirates, Aatea choisit l’impensable : fuir la sécurité des îles pour suivre les traces de sa grand-mère, une exploratrice dont les récits ont bercé son enfance. Quitte à affronter les flots instables des océans en suspension, leurs dangers, mais aussi leurs promesses…

Couverture du roman Aatea

Fiche technique

  • Autrice : Anouck Faure
  • Titre : Aatea
  • Genre : Science-fiction
  • Éditeur : Argyll
  • Nombre de pages : 425
  • Année de parution : 2024
  • Niveau : Lecteur moyen

Bibliochimie

Si un alchimiste voulait recréer ce roman dans son alambic, quelles choses pourrait-il utiliser comme ingrédient ?

– Des océans dont la surface s’étend sur plusieurs niveaux

– Des peuples vivant en symbiose avec leurs îles vivantes

– Un protagoniste qui n’a jamais pu vraiment s’ancrer quelque part

A quoi s'attendre ?

Aatea est un navigateur doué. Dans son univers fait d’îles gigantesques, dont le racines plongent jusqu’au cœur du monde, diriger un voilier solaire sur les océans en suspension qui se déplacent au gré de violentes marées demande un réel talent et une attention de tous les instants. Mais malgré ses compétences indéniables, Aatea reste un paria aux yeux de son peuple. Comme il est né en mer, il ne possède pas le filament, cet organe symbiotique qui permet aux siens de coexister avec leurs gigantesques îles vivantes. Seules ses expéditions en mer l’aident à endurer la servitude à laquelle le contraint le système des castes.

Or, après une attaque de pirates qui coûte la vie à tous ses passagers, Aatea perd le droit de naviguer. Aatea choisit alors l’impensable pour son peuple : fuir la sécurité des îles, tout abandonner et suivre les traces de sa grand-mère, une exploratrice dont les récits ont bercé son enfance. Bien décidé à naviguer plus loin que tout autre avant lui, le navigateur va affronter les flots instables ainsi que les nombreux dangers qu’ils abritent. Mais il pourrait bien également faire des rencontres, de celles qui peuvent changer une vie…

Une illustration de la nuée du roman Aatea
Naviguer dans la nuée, au milieu des racines des îles ( by Anouck Faure)

Un monde d'océans et de racines

Quand on parle de naviguer sur un voilier, on pense tout de suite à un voyage en deux dimensions. En effet, même si les vagues peuvent facilement faire monter et descendre un navire de plusieurs mètres, un voilier va, par sa nature, être limité à la surface du plan d’eau qu’il sillonne.

Dans le monde d’Aatea, les océans tels que nous les connaissons se limitent à la sphère d’influence des îles vivantes, chacune gardant son propre bassin sous contrôle. Au-delà, l’eau est en suspension et, soumise à l’influence de différents corps, va former différentes strates mouvantes, reliées par des chemins éphémères qui forment d’impossibles pentes liquides, et le navigateur va ainsi pouvoir monter ou descendre tout en continuant à glisser à la surface.

C’est un concept qui demande un peu de temps pour être appréhendé par notre esprit de terriens – le mien en tout cas a bien ramé à se représenter un bras de mer descendant ou montant pendant les premières dizaines de pages – mais une fois qu’on se fait à l’idée, cela ouvre des possibilités étonnantes et absolument fantastiques, tout en gardant les contraintes et éventuels dangers de la navigation.

Les îles, quant à elles, sont un peu comme de gigantesques méduses. Leur ombrelle constitue la surface de l’île, où la flore se développe et où des créatures peuvent s’installer pourvu qu’elles aient un filament, un organe symbiotique qui va les immuniser contre les toxines de l’île et leur permettre de la toucher sans risques. A la place des tentacules, les îles possèdent des racines d’une longueur incroyable, elles aussi toxiques, qui plongent vers le centre du monde où elles s’arriment afin de ne pas dériver trop loin.

Avis de la Rédac'

Mikaua : La navigation à voile ne manque jamais de réveiller mon imagination, mais j’étais pourtant loin de m’imaginer ce qui m’attendait quand j’ai ouvert Aatea. Comme dit plus haut, j’ai ramé au début face au concept d’océans en suspension formant des chemins ainsi que différentes strates. En bonne terrienne, quand j’imagine l’océan, je visualise une surface « uniforme » qui s’étend jusqu’à l’horizon. Et avant que vous ne me le fassiez remarquer, je sais que l’océan est loin d’être plat et lisse comme un miroir, entre les vagues qui peuvent faire jusqu’à vingt mètres de haut et le fait que sa surface suit la courbure de la Terre, d’où mon utilisation des guillemets ; en gros, j’essaie de dire que ce n’est pas un ensemble de vallées qui vient spontanément en tête ! Mais une fois que j’ai intégré le concept, j’ai adoré les possibilités que l’autrice ouvrait ainsi, tout en gardant les contraintes et dangers de la navigation à voile. D’ailleurs, même en ne connaissant pratiquement rien au monde de la voile, j’ai trouvé le récit très facile à suivre, et même le jargon s’assimile sans effort au cours de la lecture. L’amour du monde de la mer de l’autrice, originaire de Nouvelle-Calédonie, se ressent dans l’écriture, et on goûterait presque le sel des embruns au fil des paragraphes. Chapeau bas à Anouck Faure pour ce worldbuilding absolument magistral ! Côté style, c’est un sans faute : fluide et agréable, avec une petite touche de poésie, c’est un bonheur à lire. Les personnages sont intéressants, le protagoniste est particulièrement bien campé, très humain, et les autres personnages sont bien cohérents du début à la fin. Enfin, cerise sur le gâteau, l’autrice a accompagné son récit d’illustrations à l’encre de Chine absolument magnifiques. Aatea vous emmènera en voyage dans un univers à la fois beau et sans pitié qui peut trouver un écho en chacun de nous. A découvrir absolument !

Sources